
Il était une fois l’histoire d’une locomotive de fret électrique qui passait sa vie à transporter de lourdes charges sur de longs trajets, entre le Luxembourg et Perpignan notamment.
Mais en 2019, son destin a basculé. La BB 27 000 a quitté les autoroutes ferroviaires pour rejoindre l’atelier d’Alstom à Belfort, pour subir une métamorphose : devenir un train de fret autonome.
L’ événement signait la concrétisation d’un projet collaboratif initié par la SNCF. Avec ses partenaires industriels, Alstom, Hitachi Rail, Cap Gemini Consulting et Apsys, la SNCF a en effet mis sur pied un consortium dédié à la création d’un prototype de train de Fret autonome.
Pendant un an, les partenaires ont pensé et écrit le projet de Train Fret Autonome : dessins, description des systèmes informatiques, des câblages, commandes des pièces, programmation des logiciels.
Puis on est passé au concret. A son entrée en atelier, la BB 27 000 a été démontée. Objectif : perdre du poids et créer les espaces nécessaires à l’installation de 3 grandes armoires électriques, où loger des ordinateursconnectés à 600 câbles.
L’opération à coeur ouvert terminée, le challenge suivant a été de digitaliser les commandes du véhicule. Pour comprendre l’enjeu, imaginez le scénario suivant : vous devez arriver à conduire une 2 chevaux avec votre iPhone. Le défi a été relevé.
2e challenge, qui a occupé l’année 2020 : faire de la conduite semi-autonome avec la nouvelle génération de signalisation ferroviaire européenne, l’ERTMS, qui est cours de déploiement et sera généralisé à horizon 2040.
En clair, votre 2 chevaux doit être capable de freiner et d’accélérer en respectant cette signalisation digitalisée, avec ses balises et autres émetteurs au sol. Mission accomplie par la BB 27 000.
Prochain gros challenge : octobre 2021. Il s’agira cette fois de pouvoir circuler en utilisant la signalisation latérale, celle qui prévaut encore sur le réseau ferré. En résumé, ce sont les feux rouges et verts, les panneaux de limitation de vitesse, tout ça.
A la clé, une foule de choses complexes à régler, un peu révolutionnaires, pour que le train sache regarder les signaux, les analyser et les comprendre. Un exemple parmi des dizaines de problématiques : aujourd’hui, le conducteur d’un train qui arrive dans une gare parisienne parvient à interpréter la scène et à savoir quel signal s’adresse à lui parmi les 10 signaux qui lui font face. Mais dans une logique d’automatisation, c’est éminemment complexe à régler.
Cette étape franchie, la BB 27 000 mettra le cap sur 2022
L’objectif est d’intégrer les fonctions liées à la compréhension de l’environnement et la gestion des aléas.
On parle de la surveillance de l’environnement (détection d’obstacles, présence d’un feu de talus…), mais aussi des défaillances propres au train (début d’incendie, chargement non stabilisé, défaut des freins sur un wagon…). Le véhicule doit être capable de les détecter, mais aussi de réagir de la façon la plus appropriée. On discerne les enjeux de sécurité qui vont avec. L’intelligence artificielle et une cohorte de technologies entreront en scène : lidars et autres capteurs, localisation, dernières technologies GPS et télécoms, 5G….
L’apprentissage non supervisé est dans la boucle : il doit permettre d’identifier des événements rares. Exemple : un millier de vaches prêtes à se faire écraser sur la voie.
Si tout va bien, en 2023, la BB 27 000 ouvrira alors la voie aux premières locomotives en capacité partielle ou totale d’autonomie, avec une montée en charge à partir de 2025.